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Pine Lake

Démarreur d'histoire provenant de https://www.aproposdecriture.com/20-demarreurs-dhistoire-pour-ecrire-tout-lete. 3. Alors que le camion de glaces se frayait un chemin dans les rues du quartier, un groupe d’amis a soudainement remarqué… Voici une troisième histoire avec un un démarreur un peu plus difficile, étant plutôt spécifique. Commentez et partagez si vous avez aimé!
Swing, Crestline, California, Photo by Anna D. Spain

L'été tirait à sa fin et le vent automnal se faisait sentir plus régulièrement, refroidissant la température. Assise sur le balcon avant du chalet de location, j'étais bien enveloppée d'une couverture en laine. Je profitais des rayons de soleil encore présents tout en sirotant un thé chaud, un livre sur les genoux. Je comptais bien profiter de mes dernières journées de vacances avant de retourner à ma vie régulière.


Tous les étés, d'aussi loin que je me souvienne, je venais avec ma famille passer quelques mois loin de la ville. Nous restions dans la même maison à chaque année, au coeur d'un petit village montagnard isolé nommé Pine Lake. Celui-ci était construit autour d'un lac où une plage sablonneuse et le parc avoisinant étaient les attractions principales de la saison. Connu pour ses larges pins rouges, il n'y avait pas beaucoup à faire à Pine Lake outre apprécier la nature nous entourant. Mes parents disaient que c'était le but de nous amener en vacances dans ce coin perdu, moi et mon frère aîné, malgré nos protestations.


Je n'étais plus une adolescente qui ne pensait qu'à passer son temps dans un centre-commercial avec ses amis et j'appréciais beaucoup plus ce que mes parents avaient voulu nous offrir : un havre de paix pour nous ressourcer loin du bruit et de la pollution de la ville. Ralentir mon rythme de vie était particulièrement bienvenu étant donné ma vie chaotique qui demandait mon attention constante. À cause de mes obligations, il m'était impossible de prendre tout l'été pour m'isoler dans les montagnes, mais je faisais l'effort de prendre une semaine chaque année pour retrouver ce refuge de mon enfance, même si je voyageais seule à présent. Afin de vraiment profiter du silence, j'éteignais mes appareils électroniques et coupais tout contact avec la ville pendant ces quelques jours.


Sur mon balcon, bien installée dans ma chaise Adirondack, j'avais une vue sur le parc et le lac. Les rires des gens qui s'amusaient n'étaient interrompus que par l'occasionnelle cloche annonçant l'arrivée du vendeur de crème glacée. Très populaire durant les mois les plus chauds de l'été, il faisait fureur avec les gens de tout âge. J'étais cliente fidèle dans ma jeunesse, préférant les sorbets fruités rafraîchissants aux crèmes traditionnelles. Il m'arrivait encore parfois de m'y arrêter pour me faire plaisir, me souvenant avec nostalgie des vacances familiales.


Alors que le camion de glaces se frayait un chemin dans les rues du quartier, un groupe d’amis a soudainement remarqué quelque chose d'étrange à l'horizon. Les adolescents pointaient le ciel en s'exclamant. J'étais trop loin pour comprendre ce qu'ils disaient, mais je pouvais très bien voir ce qui les agitait : une brume opaque grisâtre descendait sur le village.


Ce n'était pas la bruine qui voilait avec douceur les montagnes lors des matins frais, ni les sombres nuages orageux, ni même la fumée cendrée d'un feu. Non, ce brouillard était différent, épais, et s'avançait de façon délibérée, lentement engloutissant le paysage. Il enveloppait doucement les bâtiments, leur silhouette dissimulée sous la couverture épaisse.


Je pouvais voir de mon perchoir les gens accueillir la brume alors que celle-ci atteignait enfin la plage, puis le parc. Malgré l'étrangeté de la situation, certains tentaient de la toucher avec curiosité alors que d'autres essayaient de la dissiper. Rapidement, ils disparurent de ma vue eux aussi, le brouillard les saisissant dans son étreinte. Ma maisonnette étant située un peu en hauteur en s'éloignant du lac, j'allais être parmi les derniers à être envahis.


Incapable de percer le voile, mes autres sens étaient en alerte. Le vent était tombé, mais je pouvais sentir l'humidité dans l'air, me rappelant l'odeur de la forêt après la pluie. C'est alors que je remarquai que les murmures provenant du village s'étaient tus afin de laisser place à un silence lourd. Je n'entendais que ma respiration et le bois du balcon qui craquait sous mes pas. C'était différent du silence relaxant entrecoupé de chants d'oiseaux et de rires auquel j'étais habituée. Celui-ci était pesant et alarmant. Même la nature était muette.


J'avais commencé à croire que ce n'était qu'un phénomène anormal, mais inoffensif lorsque des cris commencèrent. D'abord un, lointain. Puis un autre, et un autre. Chacun se rapprochait du lac, et de moi. La brume s'était enfin rendue jusqu'à mon refuge. Je distinguais à peine mes propres mains, mais ce n'était pas une barrière au son. La panique se propageait tel un feu de forêt. Les cris étaient à présent fréquents et mon instinct premier était d'aller aider. Ma tête, toutefois, était en parfait désaccord. Je ne voyais rien et je n'avais aucune idée de ce qui se passait. Comment pouvais-je aider dans ces circonstances ? Je risquais de me faire mal à me précipiter sans être préparée. Il serait plus sage de m'enfermer dans le chalet, d'attendre que ça passe et d'espérer que je ne serais pas affectée.


Avant que je ne puisse me décider, les cris cessèrent aussi soudainement qu'ils avaient commencé. Ce nouveau silence était anticipatoire, fébrile. Ce ne fut pas long que des hurlements stridents, inhumains, les remplacèrent. Un son à glacer le sang qui semblait venir d'ailleurs. Aussitôt, je plaçai mes mains sur mes oreilles pour tenter de les protéger. Instinctivement, je me recroquevillai sur moi-même. J'étais terrifiée. Je n'avais qu'envie de fuir, mais j'étais incapable de bouger. Je tremblais, imaginant toutes sortes d'horreurs.


Finalement, le retour du silence, cette fois plus calme, comme si le monde était sur pause, en attente de quelque chose. Mes bras tombèrent et je tentai un regard autour de moi. Une brise légère soufflait avec douceur, balayant la brume et libérant le village de son emprise. Les bâtiments réapparaissaient petit à petit, le brouillard se levant et révélant ce qu'il cachait.


La nature reprenait son cours et les oiseaux recommençaient à chanter. Malgré le retour progressif à la normale, le village restait silencieux, mort. Je suis descendue de mon balcon, craignant le pire. Me promenant dans les rues vides, je ne vis aucun signe de vie, pas un seul être dans les parages. Pourtant, des effets personnels étaient éparpillés, des voitures aux portes ouvertes, abandonnées. Je cognai aux portes, sans réponse. En jetant un regard par la fenêtre, je constatai que les maisons étaient désertes, elles aussi. C'était comme si la brume était passée et avait pris tous les habitants de Pine Lake avec elle. Tous, sauf moi.

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